Géraud Troupel était le plus jeune membre de la communauté de prêtres à Raulhac.

  Né au village de Combourieu, le 18 février 1763, il est déjà clerc tonsuré le 14 janvier 1787, et reçoit la prêtrise le 17 mai 1788 dans la chapelle du Séminaire de Saint Flour.

  Rentré chez lui après l'ordination, il gagne rapidement la confiance de M.Talandier, curé de Raulhac, qui lui fait partager des idées sur les abus de l'ancien régime, et sur la nécessité d'une réforme générale dans le domaine ecclésiastique comme dans le domaine civil.
Aussi quand la Révolution éclate, les deux amis y voient l'avénement de l'ordre nouveau qu'ils ont rêvé, et ils n'hésitent pas à prêter le serment qu'on leur demande.
  Peut-être avaient ils formé le projet d'exercer le ministère ensemble, de desservir la même paroisse, d'être les collaborateurs l'un de l'autre. Quoi qu'il en soit, les démissions collectives et simultanées qui se produisirent à Raulhac vers la fin mai 1791 et qui rendirent vacantes les deux vicairies à la fois, facilitèrent singulièrement leur dessein.
Les abbés Bos et Poulhès se retirant, l'abbé Troupel prit leur place et la garda près de trois années consécutives 1791 en partie, 1792 et 1793. Il habitait le bourg de Raulhac, et il fut chargé un jour par tous les communalistes réunis chez le notaire Rastinhac, curé en tête, de prendre en main les intérêts matériels de la communauté, de réclamer des traitements à la place des biens vendus, et de poursuivre le rétablissement des fondations et obits au moyen des réserves stipulées par les décrets.

  Une tradition de famille veut qu'il ait rétracté son serment quinze jours après l'avoir prêté, et cette opinion est corroborée par les deux pièces officielles que nous avons citées plus haut, savoir l'état nominatif des prêtres assermentés de l'arrondissement d'Aurillac, dressé en octobre 1792, et le tableau des pensionnaires ecclésiastiques du département, dressé en janvier 1799. Comme sur aucun de ces états ne figure le nom de M. Troupel, on peut en inférer ou qu'il n'avait pas prêté le serment ou qu'il l'avait rétracté. Mais voici deux documents nouveaux qui mettent les choses au point et fixent d'une manière non équivoque la véritable attitude de ce prêtre équivoque.

  Le premier est une liste conservée aux Archives nationales, F 19872, des ecclésiastiques et ministres du culte qui ont abdiqué leurs fonctions et remis leurs lettres de prêtrise.
Je relève sur cette liste le nom de l'abbé Troupel, vicaire de Raulhac, et la date de son abdication, qui est du 21 pluviôse an II (9 février 1794). Le second est un arrêté de l'administration centrale du Cantal du 25 floréal an VI (14 mai 1798) qui autorise Géraud Troupel, prêtre « insermenté » du canton de Vic, à rester en arrestation dans sa maison sous la surveillance de la municipalité. Il n'y a pas contradiction entre ces pièces, et voici comment il faut conclure :

  L'abbé Troupel a prêté le serment prescrit par la loi du 27 novembre 1790, mais il l'a rétracté lorsqu'il a connu le bref papal du 13 avril 1791, par lequel Pie VI réprouve et condamne expressément la Constitution civile du clergé.

  Plus tard, sous la pression des représentants du peuple Bô et Châteauneuf Randon, envoyés en mission dans le Cantal, il a fléchi de nouveau et a livré ses lettres de prêtrise dans un moment d'effarement. Mais bientôt le remords s'est réveillé au fond de cette âme changeante, l'abdicataire a rougi de lui-même, et mesurant la profondeur de sa chute à la vivacité du regret qu'elle lui a inspiré, il s'est prestement remis au giron de l'Eglise catholique, apostolique et romaine par une seconde et cette fois définitive rétractation.

Extrait du livre de L'abbé Poulhès : RAULHAC (L'ancien) depuis ses origines jusqu'à la Révolution. Tome II