Toujours à mes recherches généalogiques, j'ai trouvé l'acte de décès d'un homonyme qui a attiré ma curiosité.
Chance inouïe, une personne des Archive d'Aix en Provence me mail pour me prévenir qu'elle venait de mettre en ligne des documents qui pourraient m'intéresser (ceux-ci non rien a voir avec la généalogie).
En retour je la remercie de l'information et lui explique en deux mots mes recherches actuelles, et surprise, quelques jours plus tard je reçois copie complète du dossier de Jean Troupel.
De St Etienne de Capel à l'île de Nou
La descente aux enfers.
Qu'est ce qui pouvait laisser à penser en ce jour du 5 février de l'année 1835, jour du mariage de Jacques Guinot Troupel et d'Agathe Chaunac, propriétaire cultivateur à Escazeau, commune de Saint Etienne de Capels (Saint Etienne de Carlat maintenant) que le destin tragique viendrait bouleverser leur vie et celle de leurs enfants.Les parents du marié sont propriétaires cultivateurs à Froquière, commune de Badailhac,
les parents de la mariée son propriétaires à Escazeau, commune de Saint Etienne de Capels.
En fait, ils régularisent la "situation" car ils ont déjà fils.
Le couple est prolifique, ils auront sept enfants :
Jean, le dernier, de la classe 1864, inscrit comme appelé sous le N° 302 de la liste du contingent du département du Cantal, doit se présenter le 23 août 1865 au 8ème régiment d'infanterie de ligne (à Aurillac, je pense). Il arrive au corps le 28 août 1865.
La durée du service militaire à cette époque est de sept ans d'active.
Ces premiers mois de service ne doivent pas convenir à notre jeune conscrit car Le 26 février 1866, il manque à l'appel. Il est déclaré déserteur le 5 mars 1866 et son escapade dure presque un an.
Le 18 février 1867, il est ramené au corps du régiment. Le 28 mars 1867, il est condamné par le 2ème Conseil de Guerre de la 8ème division à 3 ans de prison pour désertion à l'intérieur avec emport d'effets.
Il sort de détention le 28 mars 1870 et passe cette journée au 1er Bataillon d'infanterie légère d'Afrique, le 10 avril 1870 il arrive au corps du 1er Bataillon d'infanterie légère d'Afrique en garnison à Mascara en Algérie.
Ces bataillons, s'ils n'ont jamais été une formation disciplinaire, ont été créés pour incorporer les jeunes gens en âge d'effectuer leur service militaire et condamnés à plus d'un an d'emprisonnement par la justice civile ou militaire. Il est clair qu'il y régnait une discipline bien plus forte que dans les autres unités de l'armée. La « spécificité » de son recrutement, qui y réunit un bon nombre de voyous, fait des bataillons d'Afrique un endroit privilégié pour forger les réseaux du milieu criminel.
Cet environnement n'arrange pas ses affaires, le 14 novembre 1870, il est condamné par la Cour Martiale de la subdivision de Mascara à un an de prison pour vente d'effets et de petit équipement.
Il sort de détention 14 novembre 1871 et est incorporé ce même jour comme Chasseur au 2ème Bataillon d'infanterie légère d'Afrique à Médéah (Algérie).
Un relevé des punitions établi le 10 décembre 1872 est éloquent, il stipule, les condamnations prononcées par la Justice militaire :
(jours)
(jours)
(jours)
Les calculs de l'administration, au 19 décembre 1872, le donne libérable, dans le meilleur des cas, le 2 février 1876.
Seulement, c'est compter sans ses derniers exploits. Le 22 février 1873, le 2ème Conseil de Guerre permanent d'Algérie, séant à Blidah le reconnaît coupable de vol qualifié au préjudice d'un indigène et le condamne à la peine de 10 ans de travaux forcés et à la dégradation militaire.
Le jugement a commencé à recevoir son exécution le 27 février 1873, jour ou le condamné a subi la dégradation militaire à la parade.
Il est transféré au bagne de Toulon, sous le n° matricule 25 497, le 17 mars 1873 et embarque sur le Garonne en juin 1873, avec 521 co-détenus, en direction de la Nouvelle Calédonie où il arrive le 18 décembre 1873.
A l'origine le Garonne est un transport-écuries à hélice de la classe Calvados. C'est un trois-mâts à coque en bois, avec une capacité de 400 passagers et 352 chevaux.
En 1871, le Garonne est en Allemagne pour ramener des prisonniers est transformée en ponton-prison et affectée à Cherbourg, du 29 mai au 30 juin 1871, et remplacée par l'Arcole, afin d'effectuer le transport de forçats en Nouvelle-Calédonie, mission qu'elle effectuera, avec le transport de passagers, de 1872 à 1875.
Les transportés sont conduits au bagne de l'île de Nou. Une nouvelle tranche de vie, de labeur, il est utilisé, lui et ses co-détenus à l'édification des routes et bâtiments de la colonie, le bagne n'est ouvert que depuis 1871.
Le 23 novembre 1881, une "bonne nouvelle" toute relative, par décret "il est accordé à Troupel jean, ex-militaire, remise du restant de sa peine, sous réserve de l'obligation de la résidence perpétuelle à la Nouvelle Calédonie".
Décidément, notre homme est toujours insoumis, nous le retrouvons devant le 1er Conseil de guerre permanent de Nouvelle Calédonie qui le condamne le 17 avril 1883 a vingt ans de travaux forcés, vingt ans de surveillance et aux frais envers l'Etat, pour rupture de ban et vol avec effractions extérieures. (Rupture de ban: crime commis par celui qui rentre dans le territoire interdit avant expiration de sa peine).
La délivrance viendra 10 ans plus tard, il décède au bagne de l'Ile de Nou le 1er février 1893.
En 1883 ses parents étaient décédés à Paris ou ils avaient élus domicile. Raisons économiques, à cause du quand dira-t-on.?
Que conclure de cette triste histoire ?
Que ce Jean Troupel était foncièrement mauvais ?
Qu'il n'a pas supporté ses premiers mois de service et qui, tombé dans l'engrenage, a été broyé ?
Je vous laisse à vos réflexions.