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Vicomte André Bernard du Hamel

Noble, homme politique, André Bernard que la vie n'a pas épargné, subit aussi les affres de la révolution.

2ème PARTIE

C'est à partir de cette liste que commenceront les ennuis d'André Bernard.

Homme politique, André Bernard, s'il est apprécié du roi, de ses pairs et de la population bordelaise, l'unanimité n'est pas possible et une personne mal intentionnée, profite qu'il possède une "petite terre" à Cénon, quartier Bastide sur la rive droite de la Garonne, où il ne met jamais les pieds, pour l'inscrire sur la liste des émigrés. Le bien est mis sous séquestre et loué au profit de la nation. Je ne sais quand et comment André Bernard eut connaissance de son inscription sur la liste des émigrés et de la séquestration de ce bien, mais il envoya une "pétition" au directoire du district de Bordeaux pour obtenir sa radiation de la liste et la main levée sur ce bien.

Le 17 juillet 1791, sur le Champ de Mars, à Paris, les gardes de La Fayette fusillent des républicains qui demandaient la déposition du roi.

Le 1er octobre 1791, la première Constitution française entre en application. Elle inaugure une monarchie constitutionnelle, le pouvoir législatif est confié à une Assemblée du même nom.

Au club des Jacobins s'ouvre un débat sur l'opportunité d'une guerre contre les " despotes " européens. Il va déboucher sur une lutte à mort entre deux clans politiques :

  • les Girondins (ainsi nommés parce que leur chef de file et plusieurs d'entre eux viennent du département de la Gironde) : ils veulent sauvegarder les institutions décentralisées mises en place en 1789 ; ils aspirent d'autre part à une guerre qui obligerait le roi à choisir définitivement le camp de la Révolution.

  • les Montagnards : ils sont menés par Robespierre, Danton, Saint-Just, Marat... Ils veulent un pouvoir fort et centralisé pour consolider les acquis de la Révolution et à aucun cas d'une guerre. Ils s'appuient sur les sans-culottes parisiens, toujours prêts à déclencher une émeute.

Le 23 mars 1792, Louis XVI appelle les Girondins au gouvernement. Comme le roi, mais pour des raisons opposées, ceux-ci aspirent à la guerre contre l'Autriche. Ils souhaitent exporter les idées révolutionnaires à travers l'Europe ; quant au roi, il souhaite secrètement la défaite des armées françaises afin de rétablir son pouvoir absolu avec l'appui des armées étrangères.

L’Assemblée nationale considérant les émigrés comme des traîtres à la Patrie, vote la loi du 8 avril 1792 sur la confiscation des biens de ceux qui étaient absents du territoire depuis le 1er juillet 1789, biens dont la vente est décidée en septembre de la même année. Une première liste officielle est alors dressée.

L'hostilité envers Louis XVI grandit chez les Parisiens. Le 10 août 1792, la foule envahit les Tuileries et en massacre ses défenseurs. Le roi et sa famille sont alors enfermés dans la prison du Temple. C'est la fin d'une monarchie millénaire !

Le 2 septembre, plus d'un millier de prisonniers soupçonnés d'être monarchistes sont massacrés par les sans-culottes à l'instigation de Marat.

Convention nationale (1792 – 1795)

Après la victoire de Valmy (20 septembre 1792) l'assemblée de la Convention se réunit pour la première fois. Le lendemain, les députés proclament l'abolition de la monarchie et le 22 septembre 1792, ils décident sur une proposition de Georges Danton, que désormais, les actes publics seront datés de « l'An I de la République ».

Les Girondins, adeptes d'un pouvoir décentralisé, auraient souhaité arrêter le cours de la Révolution.

Les députés mettent le roi en accusation. Son procès réveille l'opposition entre les deux clans politiques (les Girondins et les Montagnards.)

Les Montagnards obtiennent la condamnation à mort du roi. Le 21 janvier 1793, Louis XVI est guillotiné en place publique.

Les ennuis commencent :

Le document ci-dessous, est le premier du dossier d'émigré d'André Bernard, qui se trouve aux Archives Nationales, site de Pierrefitte, Police générale. Les Émigrés de la Révolution française sous la cote : F/7/5130.

Il s'agit du courrier accompagnant la pétition d'André Bernard, envoyée au Directoire du district et qui la renvoie au receveur des Domaines du bureau de la Bastide avec ses remarques.

La pétition d'origine, peut être datée de fin décembre1792, début janvier 1793, n'est pas dans le dossier, mais est bien résumée par le receveur des domaines de Bordeaux.

Transcription :


"Aux Citoyens administrateurs
du district de Bordeaux

Le citoyen André Duhamel,
ancien Lieutenant de maire de bordeaux,
vous expose qu'il est bien
malheureux pour lui que la
municipalité de Cénon entre
Deux mers, veuille le comprendre
dans la catégorie des
émigrés, et lui appliquer les
lois qui ont été promulguées
contre ces ennemis de la patrie,
dans le temps qu'il s'est


En marge :

(1) Soit communiqué au receveur des Domaines du bureau de la Bastide pour fournir ses observations. Délibéré à bordeaux en séance publique du Directoire du district Ouï le procureur syndic le 18 janvier 1793 l'an second de la république

(2) Le receveur du Domaine au Bureau de Bordeaux qui après communication de la pétition ci-contre et des certificats y joint, dit qu'il ne peut rien observer sur le contenu de ces pièces les biens qui en font l'objet n'étant pas situé sur l'arrondissement de son Bureau mais bien sur celui de la Bastide. Bordeaux le 18 janvier 1793 l'an 2ème de la république française.

(3) Le receveur de la régie Nationale au bureau de la Bastide Vu la pétition cy contre et le certificat de résidence y annexé pense que le bail adjugé par le directoire du district le 16 du courant doit être annulé et que les frais dudit bail doivent être à la charge de la nation. Attendu la résidence du pétitionnaire dans le département de la Gironde. Observé à la Bastide le 18 janvier 1793 l'an 2 de la République."

Transcription :

toujours comporté en bon citoyen
et que soit longtemps avant
soit depuis la révolution ni
lui ni sa famille n'ont jamais
quitté la France, et non cessé
d'habiter soit à Bordeaux, et
a Castets en Dorthe près Langon
ou l'exposant possède la
majeure partie des biens, qui
compose son patrimoine.

 Cependant il est arrivé
que la municipalité de Cénon
dans l'arrondissement de laquelle
l'exposant a un petit domaine
situé au lieu de Queyries, imaginant
que l'exposant était émigre, et

Transcription :



le présupposant gratuitement, vient
d'affermer ce domaine au profit
de la nation. Une telle conduite
que la loi réprouve, n'a
besoin que de vous être dénoncé et
pour mériter votre improbation
et déterminer votre justice à
rétablir dans sa
propriété dont il n'aurait
jamais dû être dépossédé.

 Ce considéré
Messieurs, vu le certificat
de résidence que l'exposant
rapporte à lui délivré par la
municipalité de Castets le
sept du présent mois de
janvier, dument scellé
et visé par le directoire du district"

(il manque visiblement la fin cette correspondance, mais qui, à la lecture des autres documents, demande la radiation d'André Bernard des listes des émigrés)


La réponse ne tarde

le Directoire du département de la Gironde prend un arrêté.

Transcription :


" Extrait du registre du Directoire du
département de la Gironde du 24 janvier 1793
l'an 2 de la république française.


Vu la pétition du citoyen Duhamel
tendant à obtenir la main levée du séquestre
apposé sur ses biens, meubles fruits et
immeubles qui lui appartiennent situées en la
paroisse de Cénon la Bastide et la nullité des
baux qui auraient pu en être fait les observatoires
du receveur de la caisse du séquestre au bureau
de la Bastide, l'avis du district de Bordeaux
du 18 janvier présent mois et un certificat de
résidence de la municipalité de Castets du 7
janvier 1793 qui demeure déposé au directoire
sous la date de ce jour pour y avoir reçu.

 Le directoire du Département
de la Gironde ouï le Procureur Général syndic,

Transcription :

Considérant que le pétitionnaire à suffisamment
justifié que longtemps avant la loi du 8 février
1792 il existait dans le département et qu'il
a résidé sans interruption jusqu'au
7 janvier présent mois.

 Considérant que par la loi du 20 décembre 1792
les certificats de résidence qui sont déposés
antérieurement à ceux qui ne sont pas
conforme au mode qu'elle prescrit sont nuls
et de nul effet, mais qu'un citoyen qui
n'est pas contrevenu aux lois de l'émigration
n'en doit pas moins jouir de la liberté de
disposer sans entraves de ses propriétés.


 Arrête que main levée est faite et&
donné par ces présentes au citoyen André
Duhamel, de tout séquestre, oppositions
qui peuvent avoir été faite sur les biens
meubles, fruits, immeubles et à son préjudice
tant par la municipalité de Cenon, la

Transcription :

Bastide que par toute autre dans l'étendue
du département, que tous les baux qui
pourraient avoir été faits d'avance de ces
dits biens sont nuls et comme non avenus
notamment de celui fait par la nation les 6
janvier présent mois, qu'il sera dans
le plus brefs délai possible remis en libre
paisible entière jouissance pour y être maintenu
en possession de tous les objets séquestrés
pour raison de son émigration et que son nom
et ses biens seront eximés des listes
ou ils pourraient être portés à la charge
par le pétitionnaire de faire parvenir au
directoire du département un certificat
de résidence dans la forme prescrite par
la loi du 20 décembre 1792 et d'exhiber le
présent au directoire du district de
Bordeaux pour qu'il veille à sa

Transcription :

prompte exécution en outre et que
copie du présent arrêté sera envoyé au
directoire de la Régie, pour que dans
la partie de son adjudication il le fasse
exécuter.


Fait en séance publique du
Directoire du département de la Gironde
Le 24 janvier mil sept
cent quatre vingt treize l'an second
de la République française"

La Convention proclame la « patrie en danger »

et annonce la levée de 300 000 hommes pour renforcer les armées. Cette mesure entraîne une révolte paysanne dans tout l'ouest de la France. Le 11 mars 1793 débute la guerre de Vendée, la plus impitoyable guerre civile qu'ait connu la France.

Le10 pluviôse an I ( 29 janvier 1793), le marquis de Paroy et son fils, fuyant Paris où ils sont recherchés, arrivent à Bordeaux chez sa fille et son gendre (Guionne et André Bernard).

Le 8 germinal an I (28 mars 1793) est constitué un Tribunal révolutionnaire pour juger les traîtres à la patrie et les opposants au nouveau régime républicain. Le 17 germinal an I (6 avril 1793), la Convention confie le gouvernement à un Comité de salut public dominé par Maximilien de Robespierre.

C'est le début de la dictature jacobine.

Les 12 prairial et 14 prairial an I (31 mai et 2 juin 1793), 80 000 Parisiens en colère assiègent l'assemblée de la Convention. Il s'agit essentiellement de gardes nationaux en armes. Ils réclament la destitution et l'arrestation des députés girondins groupés autour de Brissot et Vergniaud.

Le 7 messidor an I (25 juin 1793), le marquis De Paroy et son fils sont arrêtés. Ils sont conduits au château de Fort Louis. Le marquis est libéré le 18 messidor an I (6 juillet 1793), son fils doit attendre le 3 thermidor an I (21 juillet 1793).

Pour plus de sureté, la famille Duhamel rentre chez eux, dans leur château de Castets, avec le marquis de Paroy. Ils y arrivent le 13 fructidor an I (30 août 1793) d'après les souvenirs du marquis mais les certificats de résidence d'André Bernard confirment sa présence à Castets à partir du 30 juin 1790.

Le 22 fructidor an I (8 septembre 1793) est célébré le mariage d'André Guy Duhamel, le fils aîné d'André Bernard, avec Marie Victoire Dorothée d'Ornano tous deux âgés de 18 ans, en présence de Guionne et André Bernard, de son frère Louis Joseph, du comte François Marie (prénommé, parfois, et par erreur, Jean Baptiste) d'Ornano, sa belle sœur, Anne de Caupenne d'Etchauz, le marquis de Paroy. Après la cérémonie, le comte d'Ornano et sa belle sœur, repartent pour Paris, où le comte prévoit de mettre ses affaires en ordre et de regagner la Corse. Avant le terme du voyage, il apprend qu'il est attendu à Paris. Ils font demi-tour et prennent le chemin de Castets.

Quand on apprit à Bordeaux, les événements et la proscription en masse des Girondins, ce ne fut qu'un cri, qu'une protestation ardente et unanime contre les violences dont la Convention venait d’être le théâtre.

Le département de la Gironde devient un des centres principaux de l'insurrection girondine ou fédéraliste. Sur vingt-huit sections, que compte Bordeaux, vingt-sept prennent spontanément les armes pour relever le défi de la Montagne ; une seule, la section Franklin, aurait autorisé par son silence cet attentat inouï à l'inviolabilité de la représentation nationale.

Beaudot et Isabeau sont chargés par le Comité de Salut Public de mater le fédéralisme bordelais et de réduire la ville par la force ou la famine.

Mis en état de siège par les autres sections, la section Franklin ne peut empêcher l'expulsion des représentants en mission, Beaudot et Isabeau. Chassés au milieu des huées du peuple, les deux députés conventionnels se réfugient à la Réole où accoururent les rejoindre quelques milliers de paysans et de volontaires.

La Réole devient alors le camp de tous les jacobins de la Gironde.

Cette force, en quelque sorte improvisée, dont ils surent tirer le meilleur parti, leur suffit pour couper les communications de Bordeaux et arrêter les subsistances par la Garonne et la Dordogne. Mal défendue et bientôt affamée, la ville s'abandonne, pour ainsi dire, aux vengeances de la Convention, dont les deux commissaires, Tallien et Jullien venu de Paris, la traitent avec la dernière rigueur.

Le 1 complémentaire an I (17 septembre 1793), la Convention vote la loi "des suspects" qui permet d'arrêter, de "juger" et de guillotiner à peu près n'importe qui.

Sont réputés gens suspects :

  • Ceux qui, soit par leur conduite, soit par leurs relations, soit par leurs propos ou leurs écrits, se sont montrés partisans de la tyrannie ou du fédéralisme et ennemis de la liberté ;
  • Ceux qui ne pourront pas justifier, de la manière prescrite par le décret du 21 mars dernier, de leurs moyens d'exister et de l'acquit de leurs devoirs civiques ;
  • Ceux à qui il a été refusé des certificats de civisme ;
  • Les fonctionnaires publics suspendus ou destitués de leurs fonctions par la Convention nationale ou par ses commissaires et non réintégrés notamment ceux qui ont été ou doivent être destitués en vertu de la loi du 14 août dernier ;
  • Ceux des ci-devant nobles, ensemble les maris, femmes, pères, mères, fils ou filles, frères ou sœurs, et agents d'émigrés, qui n'ont pas constamment manifesté leur attachement à la Révolution ;
  • Ceux qui ont émigré dans l'intervalle du 1er juillet 1789 à la publication de la loi du 8 avril 1792, quoiqu'ils soient rentrés en France dans les délais fixés par cette loi ou précédemment.

La Terreur s'accélère et la guillotine tourne à plein régime. Elle fera, jusqu'à l'exécution de Robespierre, 20 000 victimes environ.

André Bernard tombe triplement sous le coup de cet arrêté, pour être noble et en tant qu'ancien lieutenant de maire destitué et non réintégré et est toujours sur la liste des émigrés de la commune de Cénon.

Le 9 vendémiare an II (30 septembre 1793) (page 42), il est arrêté au château par le comité de surveillance de Castets et est conduit à La Réole pour y être mis aux arrêts. Il y restera jusqu'à mi-nivôse an II (mi-janvier 1794).

Le 22 vendémiaire an II (13 octobre 1793), le comte d'Ornano est arrêté et conduit à La Réole. Le comité de surveillance de Castets s'interroge aussi sur le sort à réserver au marquis de Paroy.

Le comte d'Ornano est transféré à Paris, à la prison du Luxembourg. Il est jugé le 21 messidor an II (9 juillet 1794), sous le prétexte de la conspiration du Luxembourg, il est guillotiné deux jours plus tard.

Le 15 octobre 1793, Ysabeau et Tallien, députés commissaires, par un courrier aux représentants du peuple dans le département de la Gironde, font un rappel à la loi qui concerne les châteaux fortifiés qui n'a pas été exécuté.
" Qu'il est tems que ces repaires d'aristocratie du haut desquels les soidisant seigneurs insultoient à la misère et à la faiblesse du peuple, disparoissent du sol de la Liberté et de l'Egalité."

Castets n'est pas sur la liste, seuls sont visés les châteaux disposant de moyens défensifs : tours, donjon, pont-levis, douves, c'est pour cette raison que le château de Castets n'a pas été inquiété.
Le 25 vendémiaire an II (16 octobre 1793), c'est au tour de la reine Marie-Antoinette d'être guillotinée. Le lendemain, les Vendéens sont défaits à Cholet. Les Montagnards paraissent triompher.

Le 7 brumaire an II (28 octobre 1793), c'est l'arrestation des autres habitants du château, au seul motif qu'ils sont nobles :

Seule la belle sœur du comte d'Ornano, Anne de Caupenne d'Etchauz, est épargnée et sera instituée, lors de la pose des scellés sur les meubles du château, dépositaire des clefs desdits meubles.




La suite ...